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Mes matinées avec A.W. Tozer (Keith Price)

Cet article est tiré du livre Assoiffé de Dieu par Keith Price

Durant mes matinées avec A.W. Tozer, les rues de Toronto devenaient des lieux saints. Même si beaucoup de gens lisaient les livres de cet homme, il m’a enseigné à devenir l’homme d’un seul livre. Il m’a montré à ne pas me conformer aux autres et à vivre à contre-courant de ma génération. J’ai appris de lui à attiser le feu dans mon cœur et dans le cœur des autres. Il m’a inspiré, par ses citations fréquentes, à lire les grands hymnes de Bernard de Clairvaux et à les utiliser comme prières, lorsque assoiffé de Dieu.

Oui, j’ai marché dans les traces de M. Tozer, mon modèle. Il a passé du temps avec moi. Il s’est montré patient avec moi. Il a prié pour moi. Il m’a appris à creuser de nouveau les vieux puits ; à ramener les gens sur le vieux chemin et à entretenir une saine méfiance à l’égard des folies passagères et des nouveautés. Il a marqué ma vie et mon ministère. Je lui serai éternellement reconnaissant.

« J’ai reçu une lettre de New York ce matin qui m’invite à une rencontre au sommet sur la spiritualité », me raconte le légendaire A.W. Tozer, tout en embarquant dans ma voiture. Non étonné par cette façon d’entamer la conversation de la part d’un homme qui ne perdait pas de temps à peaufiner son discours, j’ai lui ai répondu : « C’est très intéressant ! »

Il me jeta un regard désapprobateur. « Intéressant, jeune homme ? » Et, de toute évidence concerné à l’idée que je porte à cette lettre quelque valeur, il m’a servi un bref commentaire critique que je n’oublierai jamais. « Si tu te crois au sommet, m’a-t-il dit, c’est justement le signe indéniable que tu n’y es pas. Regarde plutôt au fond ! »

J’ai compris son message. Voulant éviter d’être réprimé davantage, j’ai simplement acquiescé : « Oui, M. Tozer ! »

C’était un principe biblique inoubliable parmi des centaines d’autres que cet homme, qui connaissait Dieu comme aucun autre avant lui, me transmettrait.

C’était en 1961. J’étais âgé de 31 ans et avait déjà eu le privilège à l’occasion de passer des avant-midi avec M. Tozer dans ma voiture pendant que je conduisais dans les rues de Toronto pour affaires. Il n’avait aucun goût pour les assemblées délibérantes. J’étais son prétexte. Je lui permettais de se dérober à des rencontres de personnel qui se déroulaient à l’église Avenue Road Church (plus tard nommée Bayview Glen), où il a travaillé comme pasteur-prédicateur après avoir vécu 31 ans à Chicago. Nos avant-midi prirent vite l’allure d’un rituel et durant les deux dernières années de sa vie, nous en avons partagé beaucoup d’autres comme celui-ci.

Le rituel est venu à la suite de ma première visite. Je voulais le consulter sur la façon dont je pourrais équilibrer mon temps entre mon entreprise pharmaceutique, mes responsabilités familiales et mes nombreuses prédications que je donnais durant la semaine. Je ne me souviens pas de sa réponse lors de ma première visite (il me répondait rarement !). Mais je me souviens qu’il avait remarqué ma soif de Dieu. Je me suis vite rendu compte que, dans la providence de Dieu, je me trouvais dans la présence d’un homme qui, probablement plus que tout autre sur le continent nord-américain, était en mesure de m’enseigner la façon de nourrir cette soif.

J’avais l’habitude d’aller le chercher à l’église vers 10 h 30 et de le déposer à sa maison à Old Orchard Grove vers 14 h. Nos conversations, interrompues par moment par des communications d’affaires, s’intensifiaient plus longuement durant le dîner. Il s’investissait dans ma vie, m’enseignant les plus grandes leçons que j’ai eu le privilège de tirer de cet homme.

J’étais loin de me douter alors du profond impact que ces temps passés avec lui allaient avoir plus tard sur ma vie et mes prédications.

Les personnes qui l’ont connu se souviendront de lui pour son franc parler et son tempérament parfois abrasif. Je me souviens de lui comme d’un homme qui poursuivait de façon exclusive « le bien suprême : la connaissance de Jésus-Christ son Seigneur ».

Avide passionné de communion avec le Christ vivant, ce mystique évangélique ne mâchait pas ses mots. En dépit de son manque de soi-disant diplomatie (qui pour lui signifiait de l’« hypocrisie »), cet homme de grande luminosité théologique manifestait une soif pour Dieu comme je n’en avais jamais observée chez d’autres.

Il m’a enseigné à être méfiant des phénomènes de foule. Je l’entends encore me dire : « Jeune homme, lorsque tu vois un groupe de chrétiens qui courent tous comme des moutons dans la même direction, toi fais volte-face et cours le plus rapidement possible dans la direction opposée ! » Cette direction opposée consistait, comme il l’avait prévue 40 ans auparavant, à nager à contre-courant de l’hyperactivité vers une place de solitude et de communion avec Dieu.

Sa soif pour Dieu, il l’a déversée sur moi et m’a montré que je pouvais la rassasier indépendamment de mon niveau de scolarité. Un jour, je lui ai demandé conseil. Comme j’avais quitté l’école à l’âge de 14 ans, je ne me sentais pas confortable ni adéquat lorsque j’étais invité à enseigner dans des établissements d’enseignement. Je me demandais si je devais terminer mon secondaire V – et même poursuivre d’autres études. « Jeune homme », m’a-t-il dit, « tu es assoiffé pour Dieu et tu es déjà très occupé à enseigner la Parole. J’ai souvent remarqué que beaucoup de ceux qui retournent terminer leurs études, ne retrouvent jamais l’élan pour Dieu qu’ils avaient à prime abord. Continue à poursuivre Dieu à ta façon. »

Ensuite, il a ajouté ce que je ne pourrai jamais oublié : « Moi aussi j’ai quitté l’école à 14 ans. Tu sais, je pense que nous aurions tous deux aimé faire des études universitaires. Mais, nous possédons une chose que beaucoup d’autres n’ont pas. »

« Quelle est cette chose ? », lui ai-je demandé.

Ses yeux miroitant, il répondit : « Nous sommes au courant que nous manquons de connaissances, c’est pourquoi nous ne cessons de nous instruire ! »

En sa compagnie, j’étais principalement exposé à sa contagieuse soif de Dieu. À cause de son tutorat (c’était avant tout un mystique bien plus qu’un professeur), je constate que presque toutes mes prédications reflètent cette « poursuite de Dieu », qu’importe la page de la Bible d’où je les puisais.

Il m’a d’abord montré que ma soif me porterait à contempler Dieu et sa majesté. Il se plaignait de l’abandon par la race humaine du concept de majesté. Il considérait le respect attribué aux monarques comme un précieux point de départ qui menait ensuite à la compréhension de la majesté de Dieu. Selon lui, lorsque ce niveau de respect s’effrite, la notion de majesté en est faussée, la compréhension de Dieu en est masquée, entraînant l’adoration de l’adoration, ce qu’il considérait comme un substitut intéressé à l’adoration du Roi des rois.

Il a démoli la caricature de la conversion mécaniste qui mise tout sur la décision d’accepter le Seigneur. Il savait très bien que cette décision devait entraîner un processus, sinon, nous aurions affaire à un abcès. Il anticipait déjà le danger des manuels de marche à suivre qui annoncent la paix à ceux et celles qui suivent le mode d’emploi (qu’ils ressentent ou non la paix). Ils n’offrent qu’un faux sentiment de sécurité basé sur une formule au lieu de reposer sur l’œuvre de Dieu. De telles victimes, disait-il, n’auraient que très peu de soif de Dieu.

Même lorsqu’il était en présence de preuves évidentes de conversion, il demeurait prudent et prévenait du danger de se penser parfait. Il était du même avis de Abraham Heschel qui disait : « La personne satisfaite n’avait jamais éprouvé de soif en Dieu. » Boire à la source de Dieu, disait-il, ne ferait qu’augmenter la soif. Donc, il faudrait y retourner sans cesse.

Il a inondé ma pensée de l’œuvre de Saint Anselme, de Nicholas de Cusa et de Julian de Norwich. Il m’a enseigné à réfléchir et à me servir des hymnes inspirants de Bernard de Clairvaux et de Frederick Faber, deux âmes sœurs dans la poursuite de Dieu.

Il m’a guéri de mon esprit belliqueux à l’endroit des non protestants contemporains en me citant à profusion la sagesse tirée des écrits de G.K. Chesterton ou de Thomas Merton (avec qui il correspondait), quoiqu’il ne partageât pas toujours tout de ce qu’ils écrivaient.

Gerhard Tersteegen – ce mystique, qui, 200 ans avant A.W. Tozer, avait exemplifié l’engagement suivant : « C’est à Dieu seul que, dans le calme, je me remets : mon salut vient de lui » Psaumes 62.2 – était un de ses auteurs favoris.

Tozer m’a rétabli avec le passé. Il m’a, de plus, rendu dépendant des ouvrages de certains Pères du désert. Il a fait en sorte que j’aie une soif de Dieu et qu’elle soit intarissable. Je lui serai à tout jamais reconnaissant.

-Keith Price

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